Les villas romaines de l’Antiquité ont marqué durablement le territoire rural européen, et posé de nombreux éléments fondamentaux et invariants de nos jardins de ferme.

            Dès les époques de Ciceron (106-43 avant J.C) et de Pline le Jeune (61-114 après J.C) ; nous savons par leurs témoignages écrits et détaillés que les grandes villas – propriétés campagnardes des Romains fortunés – possédaient déjà presque tous les motifs qui allaient former le fonds du discours des « architectes du paysage » anglais du 18ème siècle. Les divers fils historiques (que nous allons suivre dans la suite de notre étude) verront l’un ou plusieurs de ces motifs émerger et s’exprimer avec toutes les variantes et couleurs de chaque moment, jusqu’à un « rassemblement » de l’ensemble au 18ème siècle, presque à l’identique de la Rome antique à peine teintée de Rousseauisme. Nous ne parlons ici que du versant « campagnard » de l’histoire des jardins et des liens que ces mêmes jardins peuvent garder avec l’agriculture. Il faudra attendre la toute fin du 18ème – et surtout le 19ème siècle – pour voir une agronomie nouvelle et « scientifique » arriver dans la réalité des paysages.

            Avant d’examiner précisément certains de ces motifs fondamentaux, il est important – pour tous ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire de l’Antiquité –  de resituer brièvement les jardins romains :

–          dans le temps

De Caton (2ème siècle avant J.C) à Palladius (5ème siècle après J.C) tous deux auteurs de traités d’agronomie et systématiquement cités dans toute étude sur les jardins romains – soit une période d’environ 700 ans, donc une période plus longue que celle qui nous sépare au jour d’aujourd’hui des premiers jardins de la Renaissance italienne.

–          dans l’espace

L’empire romain couvrait une étendue et une variété de climats (et de terroirs qui nous intéressent ici) considérables : de l’Afrique du Nord à la Grande-Bretagne et du Proche Orient à l’Espagne. C’est aussi un territoire humain où toutes les influences culturelles se mêlent : Grèce, Perse, Egypte, sans oublier Carthage où vécut Magon, célèbre agronome – dont l’œuvre a disparu mais qui est cité par les plus grands auteurs latins.

            Ajoutons à cela des régimes politiques aussi différents que la République et l’Empire – allant jusqu’à la tyrannie la plus délirante – et nous aurons une idée de l’immensité et de la diversité de ce que fut le terreau des jardins romains. Ce n’est évidemment pas le lieu de refaire ici une histoire de Rome et de ses jardins (cela a déjà été fait et bien fait – voir bibliographie) mais bien de s’appuyer sur des repères simples et circonscrits au cœur de notre sujet. C’est d’autant plus intéressant que la Villa romaine est bien l’archétype du jardin de ferme dans lequel l’utile est mêlé à l’agréable.

            C’est dans cette immensité que s’est forgée une distinction importante : celle des jardins de ville et des jardins de campagne. Les célèbres vestiges de Pompéi  donnent une idée précise de ce qu’étaient les jardins à l’intérieur d’une maison de ville – à savoir, diverses sortes de patios à ciel ouvert entourés d’un  péristyle, ornés de bassins et plantés d’arbustes. 

            De plus, la vie citadine induisait une vie à la campagne « en miroir ».  

                « Pour vous, gens de la campagne qui cueillez les tendres fleurs avec vos doigts endurcis, commencez à remplir de jacinthes bleues vos petits paniers d’osier blanc : que les roses élargissent le tissu du jonc tortillé, et que les soucis de couleur de feu fassent rompre les corbeilles sous leur poids… afin que le paysan qui les aura portées à la ville en revienne ses poches chargées d’argent… Mais lorsque les épis mûrs auront jauni la moisson… unissez l’ail à l’oignon et le pavot de Cérès à l’aneth ; liez-les en bottes pour les aller vendre pendant qu’ils sont verts. »   Columelle « De l’agriculture » 65 après J.C.

            Toujours dans le même esprit et pour bien distinguer les deux modes de vie,  les agronomes latins insistaient sur les dangers de la ville et les vertus de la campagne :

                « Je commencerai par invoquer, non pas les Muses, à l’exemple d’Homère et d’Ennius, mais bien les douze grands dieux qui composent le conseil céleste. Je n’entends pas ces divinités citadines, dont les statues dorées se dressent au Forum ; mais bien les douze intelligences qui président aux travaux des laboureurs ». Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.

                « Nous avons abandonné la faux et la charrue pour aller nous établir dans l’enceinte des villes, et les mains qui applaudissent dans les théâtres et les cirques laissent reposer les guérets et les vignobles. » Columelle « De l’agriculture » 65 après J.C.

comme si, déjà, les racines rurales et les valeurs authentiques et fondatrices de Rome se perdaient dans les voluptés trompeuses, les tentations et les mirages citadins :

                « Mais la vie agricole n’est pas seulement la plus ancienne, elle est encore la plus recommandable. Ce n’était pas sans raison que nos ancêtres constamment reportaient la population de la ville dans la campagne.  Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.  

            Déjà, dans la grande Rome, le fantasme récurrent d’une campagne bienheureuse, vertueuse et bienfaitrice (connotée de son influence grecque où l’Arcadie représentait un âge d’or et une nature riante et généreuse) est posé dans ses termes invariants jusqu’à notre époque de citadins stressés et « pollués » qui vont se ressourcer au « vert ».      

De plus, au cœur – et dans la proche périphérie – de la capitale de la République puis de l’Empire, des jardins prestigieux jouent déjà leurs rôles mondains et politiques, comme des expressions du statut social ou du pouvoir (voir à ce sujet « Les jardins romains » de Pierre Grimal).

            D’une manière indirecte ou insidieuse, la distinction « jardin de ville – jardin de campagne »  a donné naissance à un modèle, qui sera largement suivi au cours des siècles, pour l’étude des jardins, de leur histoire et de leur art : jardin d’agrément d’une part et jardin utilitaire d’autre part. Comme si l’art ne devait se trouver que dans la ville ou dans certaines parties de la Villa ou encore sous certains aspects symboliques mais obligatoirement non utilitaires. Le célèbre ouvrage de Pierre Grimal (cité plus haut – voir bibliographie) perpétue ce modèle :

                A propos des volières, Pierre Grimal cite Varron (« De l’agriculture » env. 50 avant J.C.) : « …les volières de plaisance… d’autres qui étaient destinées au rapport… et un troisième genre, imaginé par Lucullus dans sa villa de Tusculum… où l’on mangeait des oiseaux pendant qu’autour des convives d’autres voltigeaient… ». On pourrait croire qu’à la lecture de cette citation, l’esprit des jardins de ferme saute aux yeux de l’auteur. Mais pas du tout : Pierre Grimal continue : « On voit que l’étude de ces volières dépasserait notre sujet et concerne l’histoire de l’économie rurale plus que celle des jardins. »

                Plus subtil, mais cependant révélateur du même phénomène, à propos des parcs à gibier (adaptés – comme le souligne très justement Pierre Grimal – des parcs de chasse des palais de Perse) : « Comme pour les volières encore, il est difficile de dire si les Romains étaient plus sensibles à l’aspect économique de ces réserves… ou à ce qu’elles mettaient de vie et de sauvagerie réelles dans leurs jardins. ». Et de nouveau, il cite Varron :  « … dans une forêt… toute close de  murs… une table avait été mise et nous dînions… Quintus fit appeler Orphée… nous fûmes environnés d’une telle foule de cerfs, de sangliers et d’autres bêtes… », et Pierre Grimal commente : « Cette mise en scène… nous permet d’affirmer en tout cas que ces parcs à gibier n’étaient pas de simples utilités au service de la villa mais qu’ils rentraient également dans l’art des jardins. Nous verrons en effet que l’un des caractères essentiels de celui-ci est de mettre en scène des légendes ou des décors idylliques… ». Sous entendu, il s’agit de l’art des jardins d’agrément : l’existence des animaux est niée en tant qu’elle peut être utilitaire, et Pierre Grimal conclut son chapitre sur les animaux des jardins par : « Nous voyons donc que, comme les plantes, les animaux des jardins sont à la fois aimés pour eux-mêmes et pour l’utilisation que l’on en fait, le rôle qu’on leur impose de jouer dans une esthétique plus générale : eux aussi sont au service des jardins »

               Avant Pierre Grimal, de nombreux auteurs ont utilisé ce même modèle ; deux exemples parmi d’innombrables, sont explicites :

                Hirschfeld dans sa « Théorie de l’art des jardins » de 1779 distingue les maisons de campagne (villas) des jardins : « Au temps d’Auguste on voyait déjà de superbes maisons de campagne ; cependant les jardins étaient encore bien éloignés de vouloir prétendre au titre de jardin de plaisance. »

                Walpole, qui dans son «Essai sur l’art des jardins modernes » de 1780, se fait l’un des chantres du jardin « naturel » anglais de son temps, n’aborde les jardins romains que par les maisons de campagne de Pline le Jeune et uniquement par leurs ornements. Pour lui, l’histoire de l’art des jardins ne peut tout simplement pas prendre en compte le monde rural.

            Le propos ici n’est pas de dénigrer tel ou tel auteur, mais de montrer qu’il y a une sorte de consensus, un présupposé « allant de soi »… comme si tout un versant du jardinage semblait ne pas devoir retenir l’attention, ni surtout mériter d’être étudié en tant qu’expression artistique.

            Pourtant, à la lecture des mêmes sources, cette distinction (proche de la discrimination pour employer un mot anachronique mais parlant) n’est pas évidente. Et, toujours pour argumenter dans le sens du mélange harmonieux utile et agréable, les mêmes auteurs latins insistaient et multipliaient les exemples.

                A propos du fruitier (où l’on entrepose les fruits pour les conserver l’hiver) : «On voit même certaines personnes y faire dresser des lits pour prendre leurs repas. En effet, quand on est assez riche… pourquoi se refuserait-on la jouissance toute naturelle de contempler en dînant une variété de beaux fruits rangés dans une agréable symétrie. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.

                « Nous avons donc à traiter des diverses espèces de culture, des bergeries, des constructions rurales, d’après les notions de hommes de l’art, de la découverte des sources d’eau, et en général de tout ce qui, choses ou individus, entre dans le matériel d’une exploitation agricole, en vue de l’agrément et du profit… » Palladius « De l’agriculture » vers 460 après J.C.

            Bien sûr, dans cette seconde citation de Palladius, nous n’ignorons pas que ses « hommes de l’art » sont des techniciens de l’agriculture et pas des artistes au sens moderne. De même, les « choses et individus » qui font partie du matériel, nous rappelle crûment que les esclaves jouaient leur rôle dans ce monde aux valeurs très éloignées de celles d’aujourd’hui. Pourtant, dans cette même citation, et malgré ces différences, tout cela est fait « en vue de l’agrément et du profit ».

                « On peut maintenant parler des paons tout à son aise… Pour former un troupeau, prenez des sujets de bon âge et de belles formes ; car en fait d’oiseaux, c’est à celui-là que la nature a donné la palme de la beauté… Q.Hortensius fit le premier, dit-on, servir de cette espèce de volailles dans le festin d’installation de son augurat ; prodigalité qui eut l’approbation des voluptueux… »  Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.

                « Vous savez que j’ai dans ma villa un ruisseau profond et limpide, qui la traverse entre deux quais en pierre…Le long de ses bords règne, sur une largeur de dix pieds, une promenade à ciel découvert ; entre cette promenade et la campagne se trouve l’emplacement de ma volière… Entre la volière et la promenade… s’ouvre un passage voûté aboutissant à une esplanade. De chaque côté un portique régulier soutenu par des colonnes en pierre, dont les intervalles sont occupés par des arbustes nains…Au-delà est un bocage de haute futaie… Cette partie de la volière est principalement réservée aux oiseaux à voix harmonieuse, comme merles et rossignols.  Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.

             Nous voyons donc, à la lecture de ces exemples (que l’on pourrait multiplier à l’envi), que les limites et les distinctions entre utile et agréable ne sont pas nettement tracées en général, et qu’elles disparaissent complètement bien souvent. C’est précisément quand cette disparition est avérée que nous pouvons repérer les motifs fondamentaux constitutifs de notre sujet.

            Voici une première liste de ces motifs tels qu’ils se cristallisent dans la villa romaine ; motifs, que nous suivrons chronologiquement au cours des repères historiques successifs proposés dans les pages suivantes, et enfin dans les exemples normands appropriés et suffisamment documentés.

Nous regroupons ici tous les motifs sous sept grandes rubriques comprenant chacune des points particuliers et des variantes propres à chaque époque et – ou – à chaque terroir (exemple : pays de vin ou pays de cidre). Volontairement, nous ne parlons pas des grandes cultures – notamment les céréales – dans leurs aspects purement agricoles (semis, moissons…) mais uniquement dans la septième rubrique sous l’aspect du paysage agricole en général.

  1. Haies :

chemins, clôtures et bornes, arbres et arbustes remarquables…

  1. Vergers :

verger-potager, verger agreste, greffes, taille et formes fruitières, vignes, olives, pommes, vin, huile, cidre…

  1. Gros bétail :

bœufs et chevaux de travail, lait, laine…

  1. Oiseaux :

basse-cour, pigeonnier, volière

  1. Ruches :

miel et cire

  1. Viviers, étangs :

cours d’eau, osier, pêche…

  1. Divers :

campagne en général, bâtiments (autres que pigeonnier – déjà cité) cour de la ferme…

               Parmi ces motifs, nous allons voir ce qu’en disent les auteurs latins, en essayant toujours de mettre l’accent sur ce qui valorise le mélange harmonieux utile et agréable.

Haies

(Le motif des haies, abordé ici pour la première fois dans ce premier repère des villas de l’Antiquité, est constitutif des jardins de ferme. Il en est en quelque sorte l’ossature à partir de laquelle tout le reste est construit. Nous le reverrons apparaître en bonne place dans les repères suivants, avec à chaque fois ses rôles nombreux et les usages qui y sont liés invariablement.)

                « Il faut aussi tresser les haies et tenir à l’écart tout le bétail, surtout quand le feuillage est tendre encore et ignore les épreuves qui le guettent ; car en dehors des outrages de l’hiver et de la toute puissance du soleil, les buffles sauvages et les chevreuils voraces lui prodiguent les insultes, les brebis et les génisses avides s’en repaissent. » Virgile « Les géorgiques » 28 av.J.C.

                « A défaut de clôture, on marque encore les limites d’une propriété par des pieds d’arbres ; ce qui évite les querelles de voisinage, et prévient les procès. Quelques-uns plantent des pins… d’autres se servent de cyprès… d’autres encore emploient des ormes… Et, en effet, il n’y a pas d’arbre préférable à celui-là dans tout pays de plaine comme soutien des haies et des vignes, comme abri le plus recherché par le gros bétail et les troupeaux, et comme pourvoyeur de menu bois pour la haie, l’âtre et le four. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant  J.C.

 Vergers

(Deuxième motif également très important, puisqu’il représente un point de rencontre obligé entre ferme et jardin.)

               A propos des greffes, et après avoir cité toutes celles qui étaient connues à son époque (et dont certaines sont toujours pratiquées aujourd’hui) :

               « On a essayé d’autres procédés, qu’une expérience habile pourra perfectionner avec le temps. Mais pour un poète qui n’est habitué qu’à retourner la terre, c’est déjà beaucoup d’avoir énoncé ceux-ci en vers même médiocres. Lisez-les ces vers, fabriqués parmi les instruments de labourage. Ils sont rudes, mais d’une rudesse que tempère l’utilité de leur objet. » Palladius « De l’agriculture » vers 460 après J.C.

                « Les anciens ont fait mention de trois espèces de greffes : l’une par laquelle l’arbre, étant coupé et fendu, admet dans l’intérieur de son corps des scions coupés sur un autre arbre ; la deuxième par laquelle l’arbre que l’on greffe reçoit une ente coupée sur un autre arbre entre son écorce et son bois ; ces deux sortes de greffes se font dans le printemps. La troisième est celle par laquelle l’arbre à greffer reçoit des boutons avec un peu d’écorce sur une partie de son corps qu’on a écorcée : c’est ce que quelques agriculteurs appellent… (greffe en écusson) ; cette dernière façon peut être employée à propos en été. » Columelle « De l’agriculture » 65 après J.C.

                A propos de la vigne « mariée » :

               « …puis, à disposer les lisses roseaux, les baguettes dépouillées de leur écorce, les échalas de frêne et les fourches solides pour que la vigne, forte de ces appuis, apprenne à mépriser les vents et à grimper d’étage en étage jusqu’au sommet des ormes… quand ses branches vigoureuses auront pris leur essor et enlacerons les ormes, alors coupe sa chevelure et taille ses bras… » Virgile « Les géorgiques » 28 av.J.C.

               La vigne, encore :

                « Les vignes se plaisent surtout à être soutenue par des arbres, parce que leur nature les porte à monter ; elles donnent alors plus de bois et leurs fruits mûrissent plus également. Cette espèce de vigne est appelée « mariée aux arbres »… l’arbre qui nourrit le plus la vigne est le peuplier ; vient ensuite l’orme, et enfin le frêne… n’approchez point le fer de l’arbre pendant les trois premières années : ce temps écoulé, façonnez-le pour recevoir la vigne ; c’est-à-dire, coupez-en les branches superflues et échelonnez  les autres en en laissant une sur deux, et les coupant alternativement d’année en année. La sixième année, lorsque l’arbre aura assez de force, vous le marierez à la vigne. » Columelle « De l’agriculture » 65 après J.C.

               A propos de l’huile (nous n’avons choisi ici qu’une seule et courte citation ; cependant autour de la Méditerranée, dans la zone climatique « de l’olivier », l’huile est une partie importante de l’économie rurale liée au verger. Comme nous l’avons déjà évoqué, les vergers sont particulièrement liés aux terroirs, avec des pays de vin, pays de cidre, et ici, pays d’olive.)

               « On fera à présent (octobre) l’huile verte… on cueillera les olives les plus nouvelles… et si l’on a mis quelques jours à les cueillir, on les étendra de peur qu’elles ne s’échauffent. On séparera du tas celles qui pourront se trouver pourries ou desséchées… on les saupoudrera de sel égrugé ou en grain… puis on les moudra d’abord ; après quoi on les mettra avec leur sel dans des paniers, et on les y laissera pendant toute la nuit, afin qu’elles en contractent le goût ; on les livrera ensuite au pressoir le lendemain matin, et l’on en obtiendra une huile salée du meilleur goût. » Palladius « De l’agriculture » vers 460 après J.C.

Gros bétail

               « Chaque pays a sa mesure particulière. Dans la campagne romaine, ainsi que dans tout le Latium, nous procédons par jugerum… l’étendue que deux bœufs attelés ensemble peuvent labourer en un jour. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant  J.C.

               « Il faut atteler les bœufs de labour aussi court que possible, pour qu’ils labourent la tête haute : c’est ainsi qu’ils se meurtrissent le  moins le cou. Si on laboure entre des arbres et des vignes, il faut mettre des muselières aux bœufs pour les empêcher de brouter les pousses tendres ; il faut avoir une hachette suspendue au manche de la charrue pour trancher les racines : cela vaut mieux que de les arracher à la charrue et de faire faire un  effort aux boeufs… »  Pline l’Ancien « Histoire naturelle, livre XVIII » env. 70 après J.C.

               « Les moutons sont aussi très précieux… par l’usage qu’on fait de leurs toisons. Si les bœufs assurent la nourriture de l’homme, nous devons aux moutons le vêtement qui nous protège… il y a plusieurs couleurs de laine… l’Espagne fournit principalement la laine noire, Polentia, dans le voisinage des Alpes, la blanche ; l’Asie la rousse qu’on appelle érythrée… la fauve…. La brune… » Pline l’Ancien « Histoire naturelle, livre VIII » env. 70 après J.C.

 

Oiseaux

(voir aussi les citations à propos des volières  et des paons plus haut dans le même chapitre)

                Colombier : « Un colombier doit être construit en voûte et se terminer en forme de dôme…On disposera pour chaque couple de pigeons des boulins de forme circulaire…Chaque boulin aura une ouverture qui permette au pigeon d’entrer et de sortir librement…A chaque rang de boulins seront adaptées des tablettes qui serviront de vestibules aux pigeons, et sur lesquelles ils pourront se reposer avant d’entrer. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant  J.C.

Ruches et Viviers

               « On s’avisa, dans la suite, de former dans le voisinage de la villa des enclos entourés de murailles, tant pour s’y livrer à la chasse que pour y établir des ruches pour les abeilles… plus tard on creusa des viviers remplis d’eau douce, et dans lesquels on emprisonna les poissons pêchés dans les rivières. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant  J.C.

 Divers

               Campagne en général… « Telle terre conviendra particulièrement au foin, telle autre au blé ; celle-ci à l’olive, celle-là au raisin… C’est une erreur de croire qu’une terre grasse puisse recevoir indifféremment toute semence, et qu’en une terre maigre on ne puisse rien semer… Certaines plantes sont cultivées, non pas tant pour le produit immédiat qu’on en retire, que pour l’amélioration d’une récolte à venir ; parce que leurs fanes coupées et laissées sur la terre y servent d’engrais. C’est par cette raison que dans une terre trop maigre on emploie, en guise de fumier, des tiges de lupin non encore monté en graine, ou bien celles des fèves, avant que la cosse n’ait atteint le degré de formation où elle et bonne à cueillir. Mettons à part les plantes… qui, sans contribuer à l’alimentation, sont cependant indispensables à l’économie rurale ; tels que les saules et les roseaux, et autres végétations qui exigent un sol humide. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant  J.C.

               « Entre l’allée et le jardin est une espèce de palissade d’une vigne fort touffue, et dont le bois est si tendre, qu’il ploierait mollement même sous un pied nu. Le jardin est couvert de figuiers et de mûriers, pour lesquels le terrain est aussi favorable, qu’il est contraire à tous les autres arbres. » Pline le Jeune (62-113 après J.C.)  « Lettres »

               « De tous côtés, la vue est très variée : tantôt la route se resserre entre les bois, tantôt elle s’ouvre et s’étend dans de vastes prairies. Là, vous voyez des troupeaux de moutons, de bœufs, de chevaux, qui, dès que l’hiver a quitté leurs montagnes, viennent, ramenés par la douce température du printemps, s’engraisser dans les pâturages. » Pline le Jeune (62-113 après J.C.)  « Lettres » 

             Pour clore ce chapitre consacré à la villa romaine, une dernière citation paraît pertinente :

               «Mais je soutiens, qu’en fait de culture, le produit est en raison de ce que l’aspect plaît  plus à l’œil. C’est l’effet de la plantation en quinconce, et de l’observation des distances pour les pépinières…C’est qu’avec la symétrie on ménage mieux l’espace. » Varron « De l’agriculture » env. 50 avant J.C.

            Et pertinente à plus d’un titre. En effet, deux idées sous-tendent cette affirmation. La première est triviale et n’a donc plus besoin d’être démontrée (pour jouer avec un langage mathématique) : l’esthétique et l’utilitaire sont liés pour le meilleur. La seconde idée est moins évidente car elle présuppose que l’œil a besoin d’être éduqué pour voir la beauté de la culture. Donc, qu’un observateur « cultivé » est sensible à la symétrie et aux règles de l’art dans une pépinière ou un verger. Ce qui place notre jardin de ferme sur le terrain des beaux-arts.