Joindre l’utile à l’agréable

               Autrement dit, le paysage anthropisé doit être aussi beau qu’utile afin que l’homme vive en harmonie avec son environnement. Comme s’il s’agissait de retrouver un paradis perdu.

               Bien sûr, c’est une évidence : tous les jardins occidentaux, de tous temps, de près ou de loin, ont pris pour modèle le paradis, et certains même, en référence directe au Jardin d’Eden « Dieu planta un jardin en Eden, à l’Orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Dieu fit germer du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger… » (Genèse II 8,9). Cette première référence est emblématique en ce sens que le choix se porte sur des arbres beaux et bons à la fois.

               Première strate originelle de nos cultures, les textes de la Genèse ont pour terreau les civilisations mésopotamiennes de notre « homme qui fera pousser un arbre nouveau ».
               Deuxième strate, en lien direct avec les jardins : la civilisation grecque et son Arcadie, lieu idyllique peuplé de bergers vivant en harmonie avec la nature, en référence à un âge d’or.

               Ces deux couches ont eu le succès que l’on sait dans toute l’histoire des jardins – comme dans l’histoire de l’art – au cours des siècles, des premiers jardins de cloîtres des monastères aux grandes compositions romantiques et baroques.

               Si nous mettons en avant cet aspect de l’origine des jardins – plutôt que celui des Jardins suspendus de Babylone – c’est bien pour tenter de suivre ce fil d’un état d’esprit particulier qui s’articule autour de motifs particuliers : arbres beaux et bons à manger, bergers en harmonie avec une nature riante. Comme si, grâce à notre fiction, tout était là dès les origines et comme si les hommes avaient passé des siècles d’histoire à, tour à tour, oublier puis chercher dans leurs rêves les plus profondément enfouis ces paradis perdus.

               Enfin, pour faire une incursion brève et osée dans le domaine mystique, il est intéressant de remarquer que nos saints ont maintes fois fait l’éloge de la simplicité et de la frugalité. Ce qui nous ramène une fois de plus à la modestie des jardins que nous nous proposons d’étudier.