Il est intéressant de parler ici brièvement de l’environnement humain. Peut-être moins évidemment déterminant pour les jardins, et dont les effets ne sont pas forcément apparents, le « terreau humain » est cependant intimement lié à notre sujet. Sans nous attarder sur l’aspect « poids des traditions » et obscurantisme, soulignons les aspects plus positifs.

               En premier lieu, l’espace des jardins est limité très précisément au « domaine des hommes », on peut même dire qu’il s’y superpose. Si la forêt est, pour simplifier, le domaine du sauvage, le sommet de la montagne le domaine des dieux, les grottes et précipices celui des démons… le jardin est donc circonscrit à l’intérieur de ces limites.

               Dans ce même esprit, et par jouissance romantique, les caractères des jardins (célèbres ceux-ci et hors de notre sujet) de la fin du 18ème siècle français ont joué sur ces mêmes limites et ces mêmes symboles (l’exemple d’Ermenonville est édifiant : situations pittoresques, sauvages, farouches… ombrages noirâtres des sapins… bois sacré… cimes couvertes de glace… « De la composition des paysages » René-Louis de Girardin 1777).

               Incidemment, et d’une manière moins déterminante, les points cardinaux dans une acception symbolique ont décidé de plus d’une perspective ou d’un chemin d’accès.

               En second lieu, des mythes ou symboles précis et particuliers ont perduré à travers des formes précises et particulières : le cas des potagers-vergers en croix est connu : les quatre allées représentent les quatre fleuves qui coulent du Paradis Terrestre tel que décrits dans la Genèse, le bassin central étant la source. Et des symboliques ultérieures (la croix du Christ) s’y sont superposées jusque dans nos jardins de curé. Parallèlement, le bassin central s’est révélé utile pour arroser les légumes et a connu un succès non démenti à ce jour. Pour, notre sujet et son état d’esprit, cet exemple est particulièrement réjouissant, puisqu’il passe des croyances les plus insensées, aux symbolismes mystiques et à un pragmatisme au ras des pâquerettes.

               Tout aussi particuliers et précis, les épisodes de contes et légendes, les traditions orales locales ont joué un rôle visible dans plus d’un lieu : l’arbre du pendu, la source de la fée, le lac dans lequel le jeune homme se métamorphose en cygne, la croisée des chemins où le diable fixe ses rendez-vous… Le paysage jardiné est bel et bien marqué durablement par une strate symbolique.

               Le fil ténu et ancestral qui remonte du conte populaire, de nos campagnes si proches dans le temps et l’espace, à la mythologie gréco-latine jusqu’à notre homme qui fera pousser un arbre nouveau, permet de boucler la boucle de cette introduction.