Le propos général de cette étude est de faire une histoire des jardins de ferme dans la tradition occidentale. Cette histoire est restée à l’ombre de l’histoire prestigieuse, de la même manière que les jardins qui nous intéressent ici ont toujours existé à l’ombre des châteaux sans se faire remarquer, sans que l’on en parle ou du moins sans que des voix célèbres (à l’exception du 18ème siècle anglais qui inventa le vocable « ferme ornée ») ne révèlent leurs présences pas plus que leurs génies propres. Car, juste de l’autre côté du mur du grand parc, des jardins se sont développés, quelquefois se sont-ils accrochés au mur, d’autres fois l’ont-ils franchi pour se faire une petite place au soleil… et pourtant leur histoire reste à faire.

Il existe quelques contre-exemples célèbres qui se sont rapprochés très près du soleil et ont brillé sous ses feux les plus puissants, notamment :  le Hameau de Marie-Antoinette à Versailles, et  les villas à la campagne de Pline le Jeune.

Le Hameau est un exemple « limite » à notre sujet, car beaucoup plus représentatif d’un effet de mode, en pleine anglomanie et vogue du genre pastoral, comme un caprice d’une reine qui a voulu jouer à la bergère dans sa « ferme ornée », que révélateur d’un jardinage qui doit joindre l’utile à l’agréable. C’est bien une frontière que nous ne franchirons pas dans cette étude.

Les Villas de Pline le Jeune étaient très riches, très prestigieuses et très célèbres aussi, mais c’étaient cependant des fermes sur lesquelles des expériences agricoles étaient menées de front avec des cultures d’ornement. Cet exemple est considéré – dans les histoires officielles de l’art des jardins – comme deux entités distinctes : une villa entourée de son jardin d’un côté, et une ferme de l’autre. Or, c’est précisément le mélange des deux qui constitue le cœur de notre étude.

C’est donc sous cet aspect convergeant que nous nous proposons de suivre l’histoire des jardins de ferme. Ce qui implique que nous allons croiser les histoires classiques tant de l’agriculture (de l’économie rurale de la Rome Antique ou de la ferme expérimentale d’Olivier de Serres) que de l’art des jardins (du clos monastique ou du grand domaine paysager).

Notre sujet ainsi limité (on pourrait même dire bordé de tous côtés) ne prétend pas remettre en cause les grandes lignes de l’histoire académique des jardins mais bien s’appuyer sur elles pour mieux définir les jardins de ferme en tant qu’un des beaux-arts.

Quant aux objets particuliers de cette étude, ils sont normands. Pas par esprit de clocher, mais bien parce qu’il faut se fixer des limites – même si le support numérique permet de s’étendre presque à l’infini, ou peut-être justement pour cela – et aussi parce que je jardine en Normandie depuis plus de 10 ans.

Pour revenir au support numérique et à la forme « blog », je souhaite que cette étude s’enrichisse d’autres exemples, d’autres lieux et d’autres auteurs (voir liens et commentaires).