Le fait que nous cheminions en terrains historique et critique connus – textes sources, études historiques, archéologie et etnobotanique, lieux existants encore tout ou partie et  théories très récentes – ne doit pas gommer l’éclairage particulier sous lequel nous l’examinons.

                               Un exemple général peut parfaitement éclairer ce propos. Les jardins de monastères ont bien été étudiés : clos, jardins de simples, vergers… ainsi que l’économie rurale attachée aux vignes ou à l’élevage ou encore à l’exploitation forestière des communautés religieuses. Mais qu’en est-il des cours d’eau et de l’osier des berges (dont les têtards sont indissociables du paysage), des sources et des viviers (plus ou moins maçonnés et reliant l’eau « utilitaire » à l’architecture). Et surtout de l’ensemble en tant que paysage, en tant que paysage jardiné, en tant que jardin.

               Dans le même esprit, et pour ne pas répéter ce qui a déjà été dit dans de nombreuses histoires des jardins (voir notre bibliographie sélective), nous allons naviguer dans un « entre-deux » en nous arrêtant chaque fois que nous touchons un rivage trop connu pour avoir besoin d’être décrit une fois de plus.

               Imaginons… par un procédé de fiction très simple , un grand jardinier qui aurait posé les principes de sa théorie un jour de l’an 2011 avant J.C. quelque part en Mésopotamie. Imaginons que ce jardinier ait eu le même nom que le célèbre Gilgamesh (justement nommé dans la traduction sumérienne « L’homme qui fera pousser un arbre nouveau »). Et imaginons encore qu’il ait gravé sur des tablettes d’argile les principes fondamentaux de sa théorie  des jardins dont les premières lignes seraient identiques à celle de l’épopée :

« Celui qui a tout vu

celui qui a vu les confins du pays

le sage, l’omniscient

qui a connu toutes choses

celui qui a connu les secrets

et dévoilé ce qui était caché

nous a transmis un savoir

d’avant le déluge. »

               Ainsi le plus ancien texte de fiction écrit de l’humanité (« L’épopée de Gilgamesh » connue à ce jour par de nombreuses tablettes retrouvées à Ninive et datant environ de 2000 avant J.C) commençant par le constat que tout a déjà été vu, su et dit, nous invite à reprendre, sans nous décourager la même histoire avec le même enthousiasme, en tentant d’y voir une variation intéressante.

« L’homme qui fera pousser un arbre nouveau » pose ainsi les principes fondamentaux de l’art des jardins de ferme :

               – état d’esprit : joindre l’utile à l’agréable

               – état des lieux : jardiner le paysage